Vendredi du Vin # 9: le vin à l’affectif
Il s’appelle lui même le boss, le
dude, el comandante. Qui d’autre que Jérôme Estèbe annoncerait avec tant de modestie le nouveau sujet des Vendredis du Vin N°9, derniers de l’année: le vin à
l’affectif.
Le patron nous demande, de déboucher une bouteille que nous aimons „pour des raisons extra-œnologiques. Pour des raisons sentimentales, culturelles, intimes, esthétiques, affectives, mémorielles, etc.“.... Point besoin d’être „diplômé en dégustation ou collectionneur de vieux bordeaux rances“ – bref: tout le monde peut jouer.
J‘aurais pu choisir tous les vins que j’ai déjà présentés dans les précédents rondes des VdV, j’en parle que s’il y a affinité affective, j’aurais pu reprendre mes souvenir sur mon parcours d’amatrice de vin, que vous avais livré en partie sous: des goûts et des couleurs (ici) ou aussi le vin, a-t-il un sexe (ici). Mais l’hasard, qui fait si bien les choses, m’a offert une autre rencontre il y a peu de temps, que je vais vous raconter.
Je veux parler de cette bouteille de la Solera 1999 – 2003 de la Closerie de Bertrand, vin issu de quelques arpents plantés en vigne du côté de Dio et Valquière (ici), entre Bédarieux et le lac du Salagou, dans l’Hérault.
Le patron nous demande, de déboucher une bouteille que nous aimons „pour des raisons extra-œnologiques. Pour des raisons sentimentales, culturelles, intimes, esthétiques, affectives, mémorielles, etc.“.... Point besoin d’être „diplômé en dégustation ou collectionneur de vieux bordeaux rances“ – bref: tout le monde peut jouer.
J‘aurais pu choisir tous les vins que j’ai déjà présentés dans les précédents rondes des VdV, j’en parle que s’il y a affinité affective, j’aurais pu reprendre mes souvenir sur mon parcours d’amatrice de vin, que vous avais livré en partie sous: des goûts et des couleurs (ici) ou aussi le vin, a-t-il un sexe (ici). Mais l’hasard, qui fait si bien les choses, m’a offert une autre rencontre il y a peu de temps, que je vais vous raconter.
Je veux parler de cette bouteille de la Solera 1999 – 2003 de la Closerie de Bertrand, vin issu de quelques arpents plantés en vigne du côté de Dio et Valquière (ici), entre Bédarieux et le lac du Salagou, dans l’Hérault.
C’est Patrick Henquel, à l’époque fervent et prolifique contributeur de la liste iacchos, chercheur au CNES de Toulouse, comme
l’omniprésent Laurent Gibet, qui en est propriétaire et cultive aussi bien que possible ses Cabernets Sauvignons, Merlots et quelques Syrahs..
Patrick Henquel à Lisson (2003?)
Nos premiers échanges portaient sur mes vins (des 1996, si je m’en souviens
bien), qu’il avait découvert par Philippe Catusse et dont il m’avait envoyé ses appréciations – en somme, les premières notes de dégustation d’un vin de
Lisson.
Suivait cet émail :
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Bonsoir,
Peut-être disposez vous d'un fût de 225 litres (ou 228 litres) d'un ou deux vins que vous désirez vendre ?
Je suis à la recherche d'un tel contenant (passé initialement entre de bonnes mains) pour tenter d'améliorer mon 99, toujours en cuve inox, qui se refuse obstinément à faire sa malo (volume total : 350 litres, donc de quoi ouiller)...
Même si le taux d'acide malique n'est que de l'ordre de 2,5 (de tête car j'ai provisoirement égaré le résultat de l'analyse que m'avait très gentiment fait faire Didier Barral), il est un peu dur et j'espère (peut être à tort ?) que le passage en bois du 99 avec rajout des lies fines du 2000 et chauffage du chai à partir d'Avril (à 18 °C) améliorera la "sauce“.
A défaut connaissez-vous des vignerons "sérieux" de vos amis qui seraient prêts à me céder un tonneau ?
D'avance merci
Patrick
Si la base de la solera est du vin de 1999, c’est probablement dans cette ex-barrique de Lisson, qu’elle était
élevée et donc déjà ma première « affinité ».Peut-être disposez vous d'un fût de 225 litres (ou 228 litres) d'un ou deux vins que vous désirez vendre ?
Je suis à la recherche d'un tel contenant (passé initialement entre de bonnes mains) pour tenter d'améliorer mon 99, toujours en cuve inox, qui se refuse obstinément à faire sa malo (volume total : 350 litres, donc de quoi ouiller)...
Même si le taux d'acide malique n'est que de l'ordre de 2,5 (de tête car j'ai provisoirement égaré le résultat de l'analyse que m'avait très gentiment fait faire Didier Barral), il est un peu dur et j'espère (peut être à tort ?) que le passage en bois du 99 avec rajout des lies fines du 2000 et chauffage du chai à partir d'Avril (à 18 °C) améliorera la "sauce“.
A défaut connaissez-vous des vignerons "sérieux" de vos amis qui seraient prêts à me céder un tonneau ?
D'avance merci
Patrick
Pour mieux situer ce vignoble « insolite », géré à coup de sueur et coup de vent par Patrick Henquel et Claudy Pazet en
va et vient entre Toulouse et Valquière je vous retranscris le texte de sa contre-étiquette :
« La « Ruffe » c’est le nom qu’on donne à cette terre ocre/rouge chargée en oxyde de fer autour du lac du Salagou,
l’impression visuelle est celle des canyons américains. (voir)
La terre acide, de type argilo sablo limoneux, est pauvre organiquement, légère et profonde, encombrée de paillettes de roches et de plus gros cailloux : grès, schistes métamorphiques, détritiques.
La parcelle, dont est issue cette cuvée « Solera » - assemblage verticale de millésimes – se trouve à 300 m d’altitude sur le piémont du Larzac et à 45 km de la mer méditerranée ; le climat y est relativement frais et arrosé et l’ensoleillement généreux.
Le vin issu de raisins (Cabernets à 80% et Merlot) conduits dans le plus grand respect des équilibres naturels est austère en jeunesse. »
La terre acide, de type argilo sablo limoneux, est pauvre organiquement, légère et profonde, encombrée de paillettes de roches et de plus gros cailloux : grès, schistes métamorphiques, détritiques.
La parcelle, dont est issue cette cuvée « Solera » - assemblage verticale de millésimes – se trouve à 300 m d’altitude sur le piémont du Larzac et à 45 km de la mer méditerranée ; le climat y est relativement frais et arrosé et l’ensoleillement généreux.
Le vin issu de raisins (Cabernets à 80% et Merlot) conduits dans le plus grand respect des équilibres naturels est austère en jeunesse. »
L’étiquette, une contribution de leur fille Lorie, est plein de soleil et de chaleur.
Noir, austère, vraiment peu accueillant à l’ouverture, au point, que je l’ai écarté de la table ce soir, en me demandant, quel défaut pourrait bien être responsable de ces goûts et arômes déroutants, le vin c’est livré que deux jours après l'ouverture (oh, comme je connais cela de mes propres vins !)
Et là : une bombe ! Un vin qui ne finit pas d’emplir la bouche, fruits noirs, bois de santal, une pointe mentholé et toutes
les senteurs de la garrigue, tannique, mais pas dure, une structure presque minérale, sur un petit fond sucré (mais garanti sans gomme arabique), d’une longueur considérable, je le sirote sur
plusieurs jours par petit verre, pour renouveler et faire durer ce plaisir aussi longtemps que possible.
Voilà un vin, comme je les aime, qui me parle, qui me fait fermer les yeux, pour lui suivre sur son long et patient voyage, du raisin mûri au soleil sur ces sols arides l’été, de la fraîcheur des nuits, du tintamarre des vendanges, des mains, qui s’affairent pour l’érafler, du foulage au pied, de sa lente fermentation pendant l’hiver, quand il s’entête, de contrarier l’impatience du vigneron, qui le guette, de lui apprendre la patience et la modestie, jusqu’à ce qu’il se plie à son rythme et le laisse faire, laisse le temps au temps, leur part aux anges… le titille encore plus, en ce montrant ingrat à celui, qui s’attend à le boire tout de suite, comme un glouton. Pour se livrer pleinement à celui, qui a su l’attendre, de lui laisser l’air et sa liberté, de sortir la tête haute du fond du verre, en maître et dans toute sa majesté.
Voilà un vin, comme je les aime, qui me parle, qui me fait fermer les yeux, pour lui suivre sur son long et patient voyage, du raisin mûri au soleil sur ces sols arides l’été, de la fraîcheur des nuits, du tintamarre des vendanges, des mains, qui s’affairent pour l’érafler, du foulage au pied, de sa lente fermentation pendant l’hiver, quand il s’entête, de contrarier l’impatience du vigneron, qui le guette, de lui apprendre la patience et la modestie, jusqu’à ce qu’il se plie à son rythme et le laisse faire, laisse le temps au temps, leur part aux anges… le titille encore plus, en ce montrant ingrat à celui, qui s’attend à le boire tout de suite, comme un glouton. Pour se livrer pleinement à celui, qui a su l’attendre, de lui laisser l’air et sa liberté, de sortir la tête haute du fond du verre, en maître et dans toute sa majesté.
Bienvenu chez moi, ami vin, vin d’un ami, qui t’a enfanté – peut-être malgré lui – à qui tu as appris la lenteur, l’attente, le
miracle de la transformation substantielle du raisin en vin. Redonne lui la force de continuer sur ces terres caillouteuses, pour nous ressortir encore longtemps de tes semblables
!
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