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Lisson - infos autour de la vigne et du vin - et d'autres choses

Domaine de la Romanée-Conti millésime 2002

27 Décembre 2005, 16:27pm

Publié par Iris Rutz-Rudel

Derrière la vitrine  un peu poussiéreuse de la boutique de Grains Nobles, 5 rue  Laplace, petite ruelle derrière le Panthéon, c’est difficile, de se faufiler entre caisses et minuscule comptoir. Claire, une très gentille jeune femme, prend mes coordonnées, oui, je suis bien inscrite, et je peux descendre l’étroit escalier en colimaçon vers la cave voûtée, où se déroule la dégustation.



Je choisie une place proche de l’estrade au fond  et prends le temps de regarder, qui seront les autres passionnés, qui compléteront l’audience de cette dégustation de fin d’année au Grains Nobles.

Un Monsieur en face de moi me fait remarquer, que je fais déjà figure d’exception, parce qu’aux dernières dégustations, il n’y avait pas de femmes.  Mais à mesure que la salle se remplit, je perds mon statut de tâche rouge : au moment de commencer, nous sommes 7 représentantes de la gente féminine – et chose, qui me semble encore plus remarquable : il y a au moins un tiers des présents, qui ont visiblement moins que 35 ans. Je ne fais plus parti de ce groupe depuis longtemps, mais cela me met quand même plus à l’aise.

L’atmosphère est polie, même chaleureuse, les voisins de fortune de table se présentent. Mon voisin à gauche vient des États-Unis, un monsieur d’en face du Bordelais. J’aimerais bien faire une petite enquête auprès de tout le monde, toujours curieuse… mais je n’ose finalement  pas.

Sur les tables devant nous un napperon en papier avec les 6 verres, un crachoir et la liste des vins de ce soir :

Domaine de la Romanée-Conti, Bourgogne, Millésime 2002:

Echezeaux – Grand Echezeaux - Romanée Saint Vivant – Richebourg – La Tâche – Romanée-Conti

Trois Messieurs prennent place sur l’estrade, celui du milieu se trouve drôlement bien encadré pour cette soirée et je profite de sa détente, pour demander l’autorisation de prendre une photo (le virus du blogguer, qui veut tout enregistrer).



Je suis tout de suite charmée par le monsieur au milieu et très contente, de comprendre, que c’est lui, Aubert de Villaine, un des propriétaires du prestigieux domaine.

On m’explique, qu’à sa droite se trouve Bernard Burtschy, muni de son ordinateur portable, pour prendre des notes et à sa gauche Michel Bettane, dont le nom et la bouille me font sourire et même légèrement rougir – mais c’est une autre histoire, que je vais raconter à mon voisin de table après la dégustation…

Le public est complet (env. 23 personnes) et Aubert de Villaine ouvre la soirée avec le « filme » du millésime 2002  en Bourgogne :

Comme souvent typique pour la Bourgogne, cette année aussi a vu se suivre une période où la nature était plutôt adverse et une période miraculeuse, qui dans leur synergie ont donné un beau millésime.

La sortie des raisins était précoce et abondante, mais un épisode pluvieux début juin occasionnait beaucoup de millerandage. Une deuxième belle période autour du 10 juin encourageait d’autres ceps à fleurir tard et développer des grosses grappes.

Très tôt il était donc visible, qu’on allait vers deux types de récolte :

a) une de plants fins des vieilles vignes avec peu de rendement et un bel équilibre

b) une de gros ceps avec plus de récolte.

Sur les vignes du type a, juillet et août, avec leurs chapelet de pluie et soleil au bon moment, rendaient la peau des raisins résistant, sur le type b, il y avait quelques traces de botrytis fin août, qui, avec plus de pluie, auraient mené à la catastrophe, mais un beau soleil jusqu’au 15 octobre sauvait la mise.

À partir du 3 septembre, la maturation avançait vite et on constatait une élévation de 1 à 2 ° par semaine. La décision pour la récolte tombait pour le 20 septembre, entre 12,8 et 13° potentiel – la vendange s’échelonnait sur 10 jours.

La vendange comportait deux passages, d’abord les vieilles vignes du type a avec leur raisins fins et parfaitement sains, trois jours après les raisins du type b, moins sains, donc demandant plus de trie. Finalement majoritairement destinés pour le Vosne Romanée 1er Cru.

En dehors de l’effet millésime, il y a quelques règles générales dans la culture des vignes, qui influencent la qualité des raisins.

Le Domaine est mené en culture biologique depuis 1985, entre autre selon les conseils de Claude Bougignon, qui nous en avait déjà parlé, quand il était venu à Lisson en 1990, pour faire nos prélèvements de terre.

Cette culture biologique avance la maturité des raisins en moyen d’une semaine, entre autre probablement, parce que la feuille n’est pas occultée par les produits de traitements et peut ainsi mieux faire son travail de photosynthèse.

Les vignes sont plantées avec une densité de 10.000 plants par hectare et menées avec un rendement de 27 à 30 hl maximum/hectare. (J’en rêve à Lisson d'avoir autant…). Les plants sont issus d’une sélection massale au domaine, d’aujourd’hui 60 clones obtenus de cette sélection, on espère progresser à 100 à 120 clones dans l’avenir, pour garder la biodiversité du matériel végétale. »Maintenant, on connaît cela, nous avons les éléments aujourd’hui, pour progresser. Même un domaine comme le notre a encore de la distance pour progresser ».(dixit AdV)

Le travail au domaine tient aussi à la qualité de ces hommes. 30 personnes s’emploient à garder cette qualité. Pour le moment de la taille, même ici, ce n’est pas possible, de tout coordonner pour une taille le plus tard possible, qui se déroulerait qu’en mars.

Les sols, assez maltraités dans les années 50, se sont bien remis avec des apports de compost de sarments broyés plus marc plus 25% de fumier, qui sont épandu tous les 3 ou 4 ans à raison de 2 à 3 tonnes / hectare.

6 à 7 hectare du domaine sont menés en bio-dynamie, mais les expériences jusque là ne montrent pas de différence entre la « bonne » bio et la bio-dynamie.

Le principe de base est, d’intervenir le minimum possible sur les raisins, parce que « dès qu’on intervient sur des raisins de ce type là, on baisse la qualité »(AdV)


Après un trie, selon l’exigence de l’année, à la récolte, la vinification dans une cuverie simple est aussi peu interventionniste. Selon l’année aussi, on garde plus au moins de pourcentage de rafles. Mais on essaye, de garder le début de la fermentation à l’intérieur des baies « il ne faut pas, que la fermentation commence dans le vin ».

Chaque cru a ses levures, mais les fermentations sont assez proches.

L’élevage  suit dans des futs neufs à chauffe moyenne. Le bois des futs est choisie longtemps d’avance – ils sont fabriqués, comme les bouchons et les bouteilles plus tard – « sur mesure ».

La mise en bouteille se fait en douceur. Pour le 2002, elle se déroulait en février – mars 2004, après seulement un soutirage pendant l’élevage.  Selon l’emplacement et le nombre des futs, la mise se passe par chèvre (reconnaissable selon Michel Bettane à une différence parfois perceptible entre les bouteilles du haut et celles du bas du fut) ou par assemblage de 5 pièces dans une cuve et mise par gravité ensuite.

Un travail encore accru sur la traçabilité doit dans l’avenir permettre de suivre le vin du fut à la bouteille et jusqu’au consommateur – mesure plus nécessaire pour protéger le domaine contre des reventes malencontreuses, que pour protéger l’amateur, si j’ai  bien compris.

Tout ce filme se déroulait, tous ces renseignements étaient donnés, pendant que les différents crus arrivaient dans nos verres, dûment avinés avec un « petit Bourgogne » avant.

Mon plaisir d’écouter Aubert de Villaine, qui répondait volontairement et amplement à nos questions tout au longue de la soirée, augmentait à mesure. Je ne m’avais pas attendu à rencontrer quelqu’un à la tête d’un domaine presque mythique, de si droit, simple, accessible, humble derrière son produit et au même temps plein d’amour et attention pour tous les détails de sa genèse, comme un vrai vigneron – et aussi avec une fierté de ses vins, bien mérité, quant on les goûte.



Pour les notes de dégustation, je vous souhaite d’en trouver des plus amples, plus doctes chez d’autres participants de la soirée, peut-être que B.B. et M.B. vont en publier ailleurs. Mais je vais quand même essayer de relire mes quelques bribes :

Echezeaux 2002 : 4,5 ha, lieu dit La Poullaière.

couleur : rubis clair, nez : un très bon savon à fleurs, bouche : fruits et fleurs de nouveau, bonne acidité, très fin.
Commentaire de l’estrade :  « veut concurrencer les autres, mais n’arrive jamais – c’est ca, le terroir. »

Grands Echezeaux 2002 : sur les deux bouteilles, qui servaient à la dégustation, celle de notre côté de la salle avait malheureusement un problème (pas un goût) de bouchon. De là des notes assez animales, qui ne sont pas typiques de ce vin à ce stade.
« Très discret, fin, se met en arrière. »

Romanée Saint Vivant 2002 : ce vin vient d’une colline au sol plus profond, sauf une partie avec une barre rocheuse. Le vin est assez clair, un peu plus poivré que les autres – bonne densité dans la transparence.

Richebourg 2002 : 3,5 ha sur les 8 ha de l’appellation. À l’œil plus orangé, au nez plus dense, en bouche plus épais avec plus d’acidité.
« fin de bouche  aristocratique » - « chaque année,  on trouve pour chaque vin un même personnage mais avec un visage différent ».

La Tâche 2002 : 6 ha. Plus poivré, puissance et densité « resserrée sur elle-même ». Pour moi, une verdure, qui devient un parfum. Vieillit plus lentement.

Romanée-Conti 2002 : 5 548 bouteilles, (nous dégustons la bouteille 4 827) 1,8 ha (= 23 hl/ha). Au nez une grande pureté de fruit, en bouche riche, poivré, légèrement vert, très long.



Après avoir dégusté les trois derniers vins, j’ai des difficultés à apprécier encore les 3 premiers – normale, vu que le meilleur est l’ennemie du bien…. Mais la différence dans l’intensité est tellement nette, qu’ils semblent plates, pas assez mordants.



En relisant mes notes, je regrette, de ne pas avoir posé plus de questions sur la vinification, différence entre les crus, endroit de vinification, parce que les éléments recueillis jusque là n’arrivent pas à m’expliquer la différence – est-ce cela sera le terroir ? Je veux bien le croire, même si un regard sur le sol et sous-sol, comme il se trouve p.ex. dans James E. Wilsons « Terroir – The role of geology, climate, and culture in the making of French Wines » me laisse encore sur ma faim.



Je quitte de toute façon cette soirée avec un sourire béat sur les visages, heureux, d’y avoir participé, avec l’impression d’avoir rencontré des convives passionnés et sympathiques, un grand homme du vin, des vins très intéressants, qui me donnent envie, de plus me pencher sur les Pinots de Bourgogne, pour mieux comprendre la part du vigneron et celle de son terroir.

Mon généreux hôte et moi finissions la soirée dans un sympathique restaurant pas loin : Le Petit Prince de Paris, 12 rue Lanneau. Bon repas, atmosphère agréable – bien sûr du mal à choisir un vin après ce que nous venions de déguster…. Le Chinon de Jouguet, que J’aime d’habitude pour sa saveur, avait du mal à percer nos papilles trop gâtés.

Merci, Eric, pour ce plus que beau « cadeau de noël » !









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G
Merci beaucoup,<br /> Je me suis également régalé par procuration en lisant votre note sur la dégustation des vins du domaine de la Romanée Conti 2002... heureusement que vous avez attrapé votre rhûme après !! Il eut été dommage de manquer la finesse et la concentration des trois derniers... je n'ai eu la chance de goûter un vin qui puisse s'en approcher qu'une seule fois en 1995, il s'agissait d'un Musigny Vieilles Vignes du Domaine de Voguë 1990... un vin extraordinaire !!<br /> Je vous souhaite également une bonne année... et surtout de vous rétablir  !<br /> Cordialement <br /> Gorgias
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O
Merci Iris, de nous avoir fait partager ce beau cadeau de Noël! Faire une telle dégustation, de préférence au domaine (je place la barre haut!) est une de mes résolutions, pas forcément pour 2006, mais pour dans les années à venir! Je n'attends que l'opportunité! :-)Comme je pense que c'est  indiscret, je ne te demanderai pas pourquoi le nom et la bouille de Michel Bettane te font sourire. Je ne vois vraiment pas ce qu'il pourrait y avoir de drôle à ça! :-)
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I
<br /> Merci Olif, de poser un commentaire, cela fait toujours plaisir de savoir, que quelqu'un lit les textes, surtout s'ils sont si longue... Oui, moi aussi, je voudrais aussi volontiers passer au domaine un jour, mais j'ai trouvé cela déjà très bien, de pouvoir gouter et profiter des commentaires de quelqu'un, qui est si proche de son vin (je n'ai pas demandé, mais il y a probablement des gens au domaine, qui le "font". Pour mes souvenirs, qu'évoquait la rencontre en personne avec Michel Bettane ... c'est une anecdote, que je vais volontairement raconter (cela m'aidera dans mes résolutions de rester "humble") - je te promets cela pour les jours qui suivent!