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Lisson - infos autour de la vigne et du vin - et d'autres choses

Un verre de vin authentique

23 Novembre 2007, 16:34pm

Publié par Iris Rutz-Rudel


Quel plaisir de tomber sur les écrits d’une "âme frère",  comme l’autre jour dans le courrier, qu’envoie le domaine Pierre Frick à ses clients (dont je fais partie depuis une visite au domaine en 2000).

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Chaque année, Jean-Paul et Chantal Frick n‘envoient pas seulement la liste et le tarif actuel de leurs vins d’Alsace, mais aussi une longue „lettre aux amateurs du vin“, qui parle de leurs réflexions et convictions.

La lettre d’octobre parle du vin et du temps, du temps qu’il fait, du temps, qu’il faut, pour bien faire les choses et du temps de vivre, qu’il faut prendre.

Comme cette lettre n’est pas encore on ligne sur leur beau site instructif, ils m’ont donné l’autorisation, de le publier sur mon blog – et comme l’hasard fait bien les choses, vous pouvez aussi trouver les impressions de Jean-Pierre sur le millésime 2007 sur le blog Œnophile d’aujourd’hui.

                                                                                                                                                                                                                        
Chers amis des Vins Authentiques,      
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Les vendanges nous ont « happés » très tôt cette année. Fin août, les mises  en bouteilles à peine achevées, nous devions déjà préparer  la cueillette, commencée le 3 septembre et achevée le 5 octobre.

L’étonnante chaleur du mois d’Avril dernier fit pousser les vignes très rapidement. Elles fleurirent déjà fin Mai ! Les plus anciens vignerons de notre région n’ont jamais  vu une telle précocité. D’ailleurs la mousson de septembre 2006 ou la canicule de l’été 2003 leur étaient également inconnues. Les chroniques des siècles passés relatent des situations extrêmes, très espacées dans le temps. Or nous avons vécu un condensat  d’extrêmes en 5 années seulement (2003 à 2007). Le dérèglement climatique, auquel notre soif de vitesse et d’énergie fossile contribuent significativement, n’est pas un vague concept : nous le vivons dans notre travail.

Notre civilisation technicienne pose constamment la question : comment faire plus vite et plus efficace ? Elle se demande plus rarement : pourquoi et dans l’intérêt de qui cette course ?

Le dogme de la productivité  s’est infiltré partout. C’est en son nom que s’épandent les pesticides, qui dégradent le sol, l’eau et les aliments. Dans les vignobles « modernes », les herbicides économisent des heures de travaux. Les poisons phytosanitaires systémiques circulent dans la sève des vignes. La mécanisation extrême de toutes les tâches  permet d’augmenter les surfaces « exploitées » sans apport de bras supplémentaires. Pour couronner le tout, la machine à vendanger gaule violemment les pieds  pour en faire tomber les grains en bouillie. Ainsi les grappes ne sont plus touchées par une main d’Homme. Surtout ne pas perdre de temps à la vigne !
 
L’état d’esprit productiviste règne aussi dans les caves aux vinifications « modernes ». Les additifs œnologiques permettent de traiter plus de volume en moins de temps, de corriger les conséquences des erreurs à la vigne et des soupes obtenues par récolte mécanique. Les levures sélectionnées, proposées par dizaines aux viticulteurs en fonction des caractéristiques aromatiques qu’elles vont communiquer aux vins, sont réputées plus efficaces pour mener à bout les fermentations. L’œnologie propose les additifs (35 autorisés en vinification « moderne ») , les collages, les stabilisants, les assouplissants et la filtration stérile pour que les cuvées soient « apprêtées » rapidement. Surtout ne pas perdre de temps en cave !
 
Mais cette économie de Temps, d’Hommes et d’Humanité génère des problèmes  sociaux, culturels, sanitaires et environnementaux sans fin.
                                                                                                                                      
 
Notre démarche de vignerons et d’éleveurs de vins authentiques fait résistance face au rouleau compresseur du dogme de la productivité. Pour récolter des raisins sains et vinifier des vins naturels, en préservant la qualité du sol, de l’eau, de l’air, et dans le respect des humains, de la faune et de la flore, nous choisissons une autre  voie : plus de Temps et plus d’Hommes.  

Sur une période de cinq semaines, nous avons récolté manuellement chaque parcelle. La cueillette crée des liens sociaux et permet d’élargir le cercle des gens, qui ont encore la chance d’un contact avec un travail agricole.  Une heure de machine à vendanger « gaule » la même surface que la récolte manuelle de 20 personnes en une journée ! Depuis la fin de la cueillette, nous prenons le temps de butter chaque rang de vigne, pour entretenir la vie du sol et maîtriser la pousse des herbes au printemps. Nous avons épandu une préparation biodynamique, qui aide à la décomposition des matières organiques dans le sol. A partir de décembre, chaque pied recevra l’attention d’une personne, qui le taille manuellement. Toutes ces tâches  créent un lien entre les vignes et les Humains. Pendant ce temps à la cave, nous accompagnons patiemment les jeunes vins. Chacun  a son  chemin, lié à sa parcelle d’origine, au climat du millésime et aux conditions de récolte (jour, température, tri...). Les levures indigènes donnent les rythmes de fermentation. Les cuvées qui travaillent plus lentement, auront le temps de poursuivre au printemps ou en été 2008. Le besoin d’aération, la précocité du soutirage ou l’ajout de soufre varient d’un vin à l’autre. L’élevage en foudre ancien de chêne est long (au moins 7 mois) et la période de maturation en bouteilles est respectée pour atteindre l’expression idéale de chaque cuvée. Pas de recette toute faite et pas de précipitation.

Pour ceux d’entre vous qui ont la possibilité de nous rendre visite au caveau, nous consacrons du temps pour la dégustation et la comparaison de nos cuvées et pour faire vivre la culture du vin, dont vous êtes les porte-parole. Vous aussi participez au lent processus de maturation, commencé à la vigne. Lorsque vous accordez au vin le temps de respirer dans votre verre ou même dans une carafe, et que vous ajustez sa température, vous êtes maîtres de l’ultime et non moins importante étape. Préparé ainsi, un vin sait offrir au dégustateur sa complexité et ses vibrations.

Nous vous souhaitons d’avoir la possibilité et  quelques fois la détermination de prendre le temps de vivre. Et parfois avec un verre de vin authentique !

Jean-Pierre et Chantal Frick
18/10/07


Et si vous ne connaissez pas encore les Rieslings et Pinots de domaine Frick,  qui, comme les vins de Bruno Schueller font partie de mes préférés d’Alsace, regardez chez Olif,  ou ici et , pour vous donner encore plus envie de prendre le temps de les découvrir.
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B
Chouette, ça donne envie!<br /> <br /> Je ne sais pas si mes parents ont commandé chez eux déjà, ou je confond avec l'Ami Fritz...
Répondre
I
Bolli, l'ami Fritz est une auberge en Alsace, où on mange du Flammekuche à go go - et le nom d'une grande fête folklorique dans la même région:-)) - mais les vins de chez Jean-Paul Frick valent d'être connus, c'est du bio de bio (même dynamique), comme tu as pu voir sur leurs pages Web, le père Pierre Frick était un des premiers en Alsace à se convertir au bio, longtemps avant que cela devenait une "mode" chez d'autres! Cela devrait aussi être facile d'en trouver sur Paris.